019…
Après avoir entendu la déclaration de guerre de Perfidia, Damalis avait été incapable de trouver le repos. Des images de l’expédition qu’il avait menée contre elle en Colombie-Britannique défilaient dans son esprit : les visages de ses cinq frères, le mont Hoodoo, la dynamite, le formidable dragon blanc et l’explosion… Même s’il était un Naga, Damalis n’avait pas hérité du gène des traqueurs. Il était certes un rejet, mais ce fait ne lui enlevait nullement sa force lorsqu’il adoptait sa forme reptilienne. Tout ce qu’il lui manquait, c’était ce sixième sens qui indiquait aux varans la présence de leurs cibles. Puisque cette lacune ne lui avait pas permis d’étudier auprès d’un mentor, Damalis s’était inscrit à de nombreuses écoles qui enseignaient des types différents d’arts martiaux. Il se savait capable de se battre à mains nues ou avec des armes, y compris le katana.
Le but de sa vie était maintenant la vengeance, même si Mithri Zachariah avait laissé entendre qu’il avait désormais le devoir de protéger une autre personne contre la reine, Perfidia avait fait tuer sa famille d’adoption, lorsqu’il était jeune, et elle avait causé la mort inutile de ses frères. Il la ferait payer chèrement ces pertes. Son corps de Naga était guéri, sauf quelques égratignures subies lorsque le plafond du couloir de la base avait cédé. Il ne pouvait cependant pas circuler dans le monde sous cette apparence. Ce qui l’empêchait maintenant de poursuivre sa mission, c’était son corps humain, beaucoup plus faible et long à se rétablir.
Ce que le Spartiate ignorait, c’est qu’un ange avait insufflé une force nouvelle en lui, à son insu. Sagement couché dans son lit de l’infirmerie, il plia prudemment un genou et le ramena vers sa poitrine. « Pourquoi cet exercice ne me fait-il plus souffrir, tout à coup ? » s’étonna-t-il. Il répéta le même mouvement avec l’autre genou. Étonné, il s’assit en laissant pendre ses jambes dans le vide. Il bougea les bras, roula ses épaules et fit des rotations de la tête sans ressentir la moindre douleur. « Il y a quelque chose qui cloche », songea-t-il.
— Ordinateur ? appela-t-il.
— ON M’A DONNE UN NOM, MONSIEUR MARTELL.
— Mille pardons, Cassiopée.
— QUE PUIS-JE FAIRE POUR VOUS ?
— J’ai besoin de voir le docteur Lawson, tout de suite.
— VOS SIGNES VITAUX SONT POURTANT NORMAUX.
— C’est ça qui m’inquiète. Demandez-lui de venir m’examiner ou je me mets à sa recherche.
— JE VOUS EN PRIE, CALMEZ-VOUS. JE PREVIENS LE MEDECIN IMMEDIATEMENT.
En apprenant que Cédric et l’inconnue étaient rentrés à la base, Athénaïs Lawson s’était tout de suite rendue au bureau du directeur avec une trousse médicale.
— Cassiopée, veuillez avertir monsieur Orléans que je désire le voir.
— JE N’AI PLUS ACCES AUX COMMANDES DE LA PORTE, DOCTEUR LAWSON. J’AI AUSSI UN MESSAGE POUR VOUS DE LA PART DE MONSIEUR MARTELL QUI SE COMPORTE DE FAÇON ETRANGE.
— Faites-lui savoir que je reviendrai à la section médicale dès que j’aurai vu notre directeur.
— TRES BIEN, MADAME. POUR LA PORTE, JE VOUS SUGGERE DE FRAPPER ET D’ENTRER.
C’est donc ce que fit Athénaïs en y mettant toute sa force, car le panneau métallique était particulièrement lourd. Elle vit Cédric assis à sa table de travail, les yeux rivés sur l’écran mural. La jeune femme rousse qu’elle avait traitée la veille était debout derrière lui.
— Docteur Lawson, je vous en prie, entrez, l’invita Cédric, même si elle était déjà rendue à deux pas de lui.
— Je m’attendais à vous trouver sur vos civières, ce matin.
Cédric porta son attention de l’écran à la femme médecin qui bouillait devant lui.
— Laissez-moi vous expliquer, tenta-t-il.
— Des explications, vous allez certainement m’en donner tous les deux, en commençant par me dire ce qu’il est advenu des lacérations que j’ai dû refermer hier et qui n’apparaissent plus sur votre peau.
— Alexa m’a montré comment me guérir moi-même.
— Et qui est Alexa ?
— Pardonnez-moi, fit la Brasskins en lui tendant la main, Je suis Alexa Mackenzie.
Au lieu de lui serrer la main, Athénaïs lui saisit le bras et l’examina, abasourdie. Elle s’avança ensuite vers Cédric et examina son cou.
— Damalis me dit que vous êtes reptiliens, poursuivit la femme médecin. Est-ce vrai ?
Cédric hocha la tête affirmativement.
— Pourquoi m’avoir caché la vérité ? À quel jeu jouez-vous, monsieur Orléans ? Suis-je la seule personne humaine dans cette base ?
— Je vous en prie, assoyez-vous et calmez-vous.
Le visage rouge de colère, elle fit néanmoins ce qu’il demandait.
— Je suis le seul reptilien qui travaille ici, déclara-t-il, mais je ne voulais pas qu’on le sache.
— Est-ce la raison pour laquelle vous avez recueilli monsieur Martell, alors qu’il aurait pu se faire soigner n’importe où ailleurs ?
— Je ne voulais pas qu’il finisse disséqué par des chercheurs.
— Si je comprends bien, vous vous protégez entre vous ?
— Pas tout à fait. Certaines races en ont d’autres en aversion au point de vouloir les tuer.
— Il a dit que vous étiez bleu.
— C’est exact. Je ne suis pas un Naga.
— Et elle ? fit la femme médecin en pointant Alexa du doigt.
— Elle n’est ni de ma race, ni de celle de Damalis. Si vous voulez bien arrêter de me bombarder de questions, je vais tout vous expliquer.
Athénaïs se croisa nerveusement les bras. Cédric lui raconta, sans entrer dans les détails, qu’il avait toujours détesté ce qu’il était vraiment et qu’il s’était efforcé toute sa vie de vivre comme les humains. Il lui parla aussi du meurtre de son père et des sévices qu’il avait subis aux mains de la reine des Dracos. S’il s’était enrôlé dans une société secrète, c’était surtout pour lui échapper.
— L’ANGE est devenue ma seule raison de vivre, résuma-t-il. J’ai même fait semblant de ne rien savoir au sujet des reptiliens lorsque Vincent m’a parlé pour la première fois de ses recherches sur ces créatures qui habitent la même planète que vous depuis des siècles. Je ne voulais pas qu’on découvre ma véritable identité, car pour la première fois de ma vie, j’étais bien dans ma peau.
Il lui parla aussi de son incarcération à Arctique III, lorsqu’on l’avait soupçonné d’avoir détruit sa propre base, alors qu’en réalité elle avait été la cible des machinations du Faux Prophète.
— Votre vie est aussi reliée à la Bible ? Comme c’est curieux.
— Je crois que nous devrions en rester là, docteur Lawson. Je ne désire pas vous causer un plus grand choc.
— Vous ne pourriez pas plus m’ébranler que lorsque mon parient s’est transformé en lézard sous mes yeux pour la première fois, monsieur Orléans. Je tiens à entendre toute la vérité.
Debout derrière Cédric, Alexa ne remuait pas un seul cil. Elle écoutait le récit de ce dernier avec autant d’intérêt que la femme médecin.
— Le Faux Prophète est un reptilien, laissa-t-il tomber, s’attendant à une réaction d’incrédulité de la part d’Athénaïs. Les humains les prennent souvent pour des démons.
— C’est un Orphis, ajouta Alexa.
— Dois-je déduire que les Orphis sont vos ennemis ?
— Seulement quand ils servent les dirigeants des castes supérieures, poursuivit la femme Brasskins. Quatre races dominent toutes les autres : les Anantas, les Dracos, les Brasskins et les Nagas, dans cet ordre.
— À laquelle appartenez-vous ?
— Je suis une Brasskins.
Athénaïs planta son regard dans celui de Cédric.
— Anantas, soupira-t-il.
— Donc, de par le comportement de la reine envers vous, j’en déduis que les Dracos détestent les Anantas.
— Ce sont des ennemis jurés, affirma Alexa.
— Pourquoi répondez-vous toujours à sa place, mademoiselle Mackenzie ?
— Parce qu’elle en sait plus que moi, l’informa Cédric. Non seulement je ne voulais pas être un reptilien, mais j’ai refusé d’en apprendre davantage sur leur compte. Tout ce que je sais, je l’ai appris d’un Naga à Toronto et d’Alexa, ici-même.
— Alors, si on poursuit, les Brasskins et les Anantas ne sont pas des races opposées.
— Les Brasskins ne sont les ennemis de personne, précisa Alexa. Ils sont les gardiens de la paix sur la Terre, mais ils n’ont pas la force politique d’imposer l’ordre. Les Nagas sont des tueurs conçus en éprouvette pour exécuter les Dracos et les Anantas.
— Damalis, un tueur ?
— Mais pas un traqueur. Il arrive que les généticiens manquent leur coup.
L’expression sur le visage d’Athénaïs fit comprendre à Cédric qu’elle ne pouvait pas en prendre davantage. Ses joues avaient perdu leur coloration enflammée et devenaient dangereusement pâles. Sans rien ajouter, elle se leva et tituba vers la porte.
— Docteur Lawson ? s’inquiéta le directeur en se levant.
— Ne vous approchez pas de moi !
La femme médecin quitta le bureau en abandonnant sa trousse de soins derrière elle. Si elle n’avait pas eu un esprit aussi cartésien, sans doute lui aurait-il été plus facile de saisir que l’univers était beaucoup plus vaste que ce qu’on avait tenté de lui faire croire à l’école.
Lorsqu’elle entra à la section médicale, des larmes coulaient abondamment sur son visage. Elle aperçut Damalis, assis de côté sur son lit, et voulut rebrousser chemin. Perspicace, le Spartiate avait senti son désarroi. Il sauta sur le sol et courut se placer devant la porte, lui bloquant le chemin.
— Qu’est-ce qui vous arrive ? s’inquiéta le patient.
— Je suis en train de devenir folle…
Il la colla contre sa poitrine et la laissa pleurer sur son épaule.
— Dites-moi que ce n’est pas ma faute, murmura-t-il, malheureux.
— Vous aviez raison au sujet de Cédric Orléans… Il est bleu…
— Je ne suis pas menteur.
— Vous êtes en train de remettre en question tout ce que je sais de la vie…
— Nous passons tous par-là, docteur, même nous, car à moins que les jeunes reptiliens naissent dans une caverne, couvés par la reine des Dracos, ils se croient humains jusqu’à leur première transformation. Alors, leur univers bascule.
— Je ne comprends rien à cette histoire de castes, de rivalités entre certaines races…
— Lorsque vous vous serez calmée, je pourrai vous expliquer tout ça sur votre grand tableau noir.
— Êtes-vous un tueur, Damalis ?
— Je n’ai tué que des monstres, pour la plupart Dracos. J’ai une conscience, tout de même. Que diriez-vous de vous administrer vous-même un calmant et de dormir un peu ?
Elle recula en essuyant ses larmes. Elle était si énervée qu’elle ne remarqua même pas qu’il n’avait aucune difficulté à marcher.
— C’est une bonne idée… concéda-t-elle.
Il l’accompagna jusqu’à son armoire pour s’assurer qu’elle prenait la bonne bouteille et la déposa sur un lit dès qu’elle retira l’aiguille de son bras. Il resta aussi debout près d’elle jusqu’à ce qu’elle ferme les yeux.
— Au réveil, tout ira mieux, lui dit-il. Je vous le promets.
Lorsqu’il fut certain qu’elle dormait, Damalis se dirigea vers la sortie. Après quatre pas, il s’arrêta net.
— Pourquoi suis-je capable de marcher sans béquilles ?
Il tâta ses jambes sans ressentir les boulons qui tenaient ses os ensemble.
— Cassiopée, pouvez-vous me dire si Aodhan se trouve à la base ?
— IL EST AUX RENSEIGNEMENTS STRATEGIQUES, MONSIEUR MARTELL.
— Pourriez-vous lui demander discrètement de me rejoindre à l’infirmerie ?
— OUI, BIEN SUR. EPROUVEZ-VOUS DES DIFFICULTES ?
— Il s’agit plutôt de questionnements.
— JE SUIS PROGRAMMEE POUR REPONDRE A TOUTES LES QUESTIONS.
— Dans ce cas, dites-moi pourquoi je n’ai plus mal aux jambes.
— JE VOUS ENVOIE MONSIEUR LOUP BLANC IMMEDIATEMENT.
Jusqu’à ce que l’Amérindien se présente à la section médicale, Damalis étira ses jambes, les plia et les replia, toujours sans la moindre douleur. « Quelque chose ne tourne vraiment pas rond… » s’inquiéta-t-il.
— Que se passe-t-il, Damalis ? demanda Aodhan.
— Je voudrais bien le savoir. Depuis que je suis arrivé ici, j’ai subi des dizaines d’opérations, puis tout à coup, je me sens tout neuf.
— C’est une bonne nouvelle, non ?
— Je suspecte un miracle.
— Une petite minute… Ce n’est pas parce que j’ai mystérieusement nourri des centaines de personnes que je vais ensuite me mettre à guérir les maladies et les blessures.
L’air accusateur ne disparut pas sur le visage de Damalis.
— Es-tu capable de faire des radiographies ?
— Ça m’est déjà arrivé, lorsque je vivais au Nouveau-Brunswick, à la suite d’un accident de train. Mon frère est urgentiste.
Damalis grimpa sur la table d’examen et lui demanda de commencer par ses jambes. Dès que la machine eut développé les images en noir et blanc, le Naga écarquilla les yeux.
— Où sont mes boulons ?
— Comment veux-tu que je le sache ? s’étonna Aodhan.
Il lui fit faire des clichés de ses bras qui ne présentaient plus de fractures.
— Je te jure sur la tête de mes ancêtres que ce n’est pas moi. Cassiopée, quelqu’un a-t-il retiré des morceaux de métal du corps de monsieur Martell ?
— C’EST UNE QUESTION BIEN ETRANGE, MONSIEUR LOUP BLANC.
— Je suis parfaitement d’accord, mais la réponse l’est-elle aussi ?
— JE NE VOIS AUCUNE OPERATION CHIRURGICALE PRATIQUEE DANS CE BUT SUR LES ENREGISTREMENTS VIDEO DE L’INFIRMERIE. POURQUOI NE POSEZ-VOUS PAS LA QUESTION AU DOCTEUR LAWSON ?
— Parce qu’elle s’est injecté un somnifère, grommela Damalis, qui regrettait de le lui avoir suggéré. Soyez assurés que je lui montrerai les radiographies dès qu’elle ouvrira les yeux.
— En attendant, tu veux aller à la salle d’entraînement ?
— Non. Je veux que tu m’aides à retrouver l’endroit d’où la reine des Dracos a émis son message.
— Je ne suis pas aussi rusé que Vincent, mais je pense pouvoir y arriver. Viens.
Ils se rendirent aux Laboratoires, où le génie de l’informatique était absorbé dans ses calculs astronomiques, et s’installèrent à l’autre bout de la pièce pour ne pas le déranger.
— PUIS-JE VOUS AIDER ?
— Certainement, accepta Aodhan. Nous voulons savoir d’où est partie la transmission de la reine des Dracos.
Une carte géographique apparut sur l’écran devant eux. Lorsque Cassiopée refit entendre les sifflements discordants, Damalis serra les poings.
— ELLE PROVENAIT D’UN SATELLITE.
— Lequel ?
Cassiopée en fit apparaître l’identification à l’écran.
— IL APPARTIENT A LA CHINE.
Aodhan avait déjà été réprimandé pour avoir utilisé sans permission le satellite de l’ANGE, alors il se mordit les lèvres avec hésitation.
— Y a-t-il une façon d’analyser ses données récentes sans causer un incident diplomatique ? demanda-t-il finalement.
— IL S’AGIT D’UNE OPERATION QUI NECESSITE L’APPROBATION DE VOTRE DIRECTEUR, MONSIEUR LOUP BLANC.
— Pourriez-vous la lui demander ?
— C’EST PLUTOT DIFFICILE, EN CE MOMENT, PUISQUE MES SYSTEMES QUI SE TROUVENT DANS SON BUREAU N’ONT PAS ETE REPARES.
— Vincent me vante pourtant votre débrouillardise.
— JE VAIS VOIR CE QUE JE PEUX FAIRE.
Pascalina était assise devant sa console, à noter les événements marquants de la journée, tout comme Shane, Mélissa et Jonah. Jusqu’à présent, aucun pays n’avait remarqué d’objet céleste menaçant dans le ciel. Seul le gouvernement américain était au courant et il n’avait apparemment pas encore ébruité la nouvelle.
— MONSIEUR O’NEILL, POURRIEZ-VOUS OUVRIR LA PORTE DU BUREAU DE MONSIEUR ORLEANS, JE VOUS PRIE ?
— Pour qui, exactement ? demanda Shane qui ne voyait aucun requérant autour de lui.
— POUR MOI.
— Ne me dites pas que vous allez enfin nous apparaître sous la forme d’un avatar ! s’exclama joyeusement le jeune agent.
— JE REGRETTE DE VOUS DECEVOIR, MAIS CELA N’ARRIVE QUE DANS LES FILMS DE SCIENCE-FICTION.
— C’est là qu’il vit, marmonna Mélissa entre les dents.
— Êtes-vous certaine que je ne vais pas être condamné à la prison pour ça ?
— NOUS N’AVONS ACTUELLEMENT AUCUN TRANSPORT POUR ARCTIQUE III.
— Très drôle.
Shane frappa quelques coups sur la porte d’acier, ignorant si Cédric pouvait les entendre à l’intérieur, et entrouvrit la porte de quelques centimètres.
— Chef, votre ordinateur aimerait vous parler.
— Juste comme je commençais à apprécier cette nouvelle sérénité, soupira Cédric.
Il sortit du bureau, intrigué.
— Qu’y a-t-il, Cassiopée ?
— MONSIEUR LOUP BLANC REQUIERT UN CODE « INVASION ».
— Où est-il ?
— AUX LABORATOIRES.
Cédric se hâta de quitter la salle des Renseignements stratégiques pour aller rejoindre son agent.
— Qu’est-ce qu’un code « Invasion » ? demanda Jonah.
— C’EST UN CODE CONNU UNIQUEMENT DES DIRECTEURS. NE PERDEZ PAS VOTRE TEMPS A LE CHERCHER DANS MES BASES DE DONNEES. IL NE S’Y TROUVE PAS.
— Génial… maugréa le jeune homme.
Shane profita de l’absence de son patron pour jeter un coup d’œil à l’intérieur de son bureau. Alexa était assise dans une bergère, les jambes repliées contre sa poitrine. Il avait rarement vu une femme aussi belle.
— Prendriez-vous un café ?
— Vous êtes bien gentil, mais je ne bois que de l’eau, répondit-elle avec un sourire.
— Nous en avons aussi.
— Dans ce cas, j’en veux bien.
— Je vais vous en chercher tout de suite.
Au même moment, Cédric entrait aux Laboratoires. Il jeta un coup d’œil à gauche et vit Vincent concentré sur son travail. A droite, Aodhan et Damalis observaient l’écran de leur ordinateur.
— Habituellement, c’est Vincent qui fait ce genre d’incursion dans des systèmes étrangers et il m’en demande rarement la permission, indiqua le directeur en s’arrêtant derrière eux.
— Étant donné qu’il s’agit d’un satellite chinois, j’ai préféré suivre la procédure, répliqua Aodhan.
— Un satellite ? Es-tu en train d’en faire une spécialité ?
— Ce n’est pas moi qui ai choisi ce relais pour faire passer un message, mais Perfidia.
— Vous êtes en train de la retracer ? comprit finalement Cédric. Est-ce possible ?
— IL SUFFIT D’AVOIR DU DOIGTE, D’ETRE TRES RAPIDE ET D’EFFACER SES TRACES.
— Je me demande où vous avez appris cette tactique, soupira le directeur.
— De son créateur, évidemment, confessa Vincent en se joignant à eux. Pourquoi n’avez-vous pas fait appel à moi ?
— Parce que tu as une Bible à surveiller, répondit Aodhan. L’informaticien tapota sur le clavier d’à côté et ramena instantanément toutes les données sur l’écran devant lui.
— Vous avez de la chance, parce que personne ne veille sur cet engin, en ce moment, les informa-t-il. J’imagine que les stations de contrôle doivent être en réparation. Néanmoins, je n’y resterai que quelques secondes à peine.
Vincent tapa une autre commande, enregistra les données et se retira en passant par son labyrinthe virtuel habituel qui faisait trois fois le tour du globe avant de se perdre quelque part en Russie. Encore quelques touches et les coordonnées apparurent à l’écran.
— Avez-vous besoin d’autre chose ?
— Non, répondit Aodhan. Merci, Vincent.
Tandis que le jeune savant retournait à son poste, les trois hommes regardaient les chiffres lumineux avec grand intérêt. « Si on réussit à trouver des missiles, j’en enverrai un sur l’astéroïde et un sur le repaire de Perfidia », se surprit à penser Cédric. Il tourna les talons et quitta les Laboratoires.